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christophe boutin

  • Face au tout-puissant Conseil constitutionnel, le peuple est-il vraiment souverain ?

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christophe Boutin, cueilli sur le Figaro Vox et consacré à la décision du Conseil Constitutionnel d'interdire la proposition des Républicains d’organiser un référendum sur la politique migratoire.

    Christophe Boutin est docteur en sciences politiques et professeur de droit public à l’université de Caen. Avec Frédéric Rouvillois, il a notamment publié Quinquennat ou septennat (Flammarion, 2000), Les parrainages ou comment les peuples se donnent des maîtres (La Nouvelle Librairie, 2022), La proportionnelle ou comment rendre la parole au peuple (La Nouvelle Librairie, 2022) et Le référendum ou comment redonner le pouvoir au peuple (La Nouvelle Librairie, 2023).

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    RIP sur l'immigration : face au tout-puissant Conseil constitutionnel, le peuple est-il vraiment souverain ?

    Le Conseil constitutionnel intervenait pour la sixième fois dans une procédure de référendum d'initiative partagée (RIP). L'exercice suppose de réunir un cinquième des membres du Parlement, puis un dixième du corps électoral, avant que la proposition ne soit soumise au référendum - à moins que le Parlement ne «l'examine». Mais entre proposition et récolte des signatures intervient aussi le contrôle du juge.

    Aux termes de l'article 11, celui-ci doit d'abord vérifier le nombre de signataires, puis que la proposition n'ait pas pour objet «l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an», ou porte «sur le même sujet» qu'une proposition de RIP rejetée par référendum depuis moins de deux ans. Encore faut-il avoir un effet, et le Conseil a pu estimer en 2023 que deux propositions visant à interdire un âge du départ à la retraite supérieur à 62 ans n'emportaient «pas de changement de l'état du droit» et les écarter.

    Quatrième condition, la proposition doit entrer dans le champ de l'article 11. Si l'on exclut la ratification de traités, ce dernier concerne «l'organisation des pouvoirs publics» et les «réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent». Tous les termes sont importants : en 2022 la création d'une «contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises» est écartée. Parce qu'elle ne concerne pas la politique économique ? Le commentaire de la décision patauge pour justifier d'en exclure les dispositions fiscales, mais la décision sanctionne la proposition comme n'étant pas une «réforme» car n'ayant pas «une ampleur significative».

    Reste enfin le contrôle de constitutionnalité des «propositions de loi mentionnées à l'article 11 avant qu'elles ne soient soumises au référendum» (article 61). Comme le Conseil constitutionnel s'interdit depuis 1962 le contrôle de la loi référendaire adoptée, on veut en 2008 lui permettre de bloquer les choses avant. Mieux, comme le Conseil constitutionnel vérifie «qu'aucune disposition» de la proposition ne soit contraire à la Constitution, cela interdit une séparabilité qui permettrait de laisser prospérer un texte amputé des dispositions jugées inconstitutionnelles. Sur cette base, la proposition de 2021 sur un «service public hospitalier de qualité», touchant à la «politique sociale de la nation», a été jugée inconstitutionnelle comme portant atteinte au pouvoir réglementaire du Premier ministre.

    Cette même logique des cinq lames du rasoir constitutionnel est celle de la décision du 11 avril 2024. Les trois premières conditions factuelles étant remplies, la question sur laquelle les auteurs de la proposition comme le gouvernement se sont focalisés était celle du domaine de l'article 11. Pour éviter une sanction, si le texte se voulait un moyen de faire valider par référendum des éléments écartés par le Conseil constitutionnel lors de son examen de la loi immigration (décision du 25 janvier 2024), les parlementaires le présentaient comme modifiant «certaines aides sociales susceptibles de bénéficier à des étrangers», entrant donc dans la «politique sociale de la nation», et bien comme une «réforme» au vu de l'ampleur de ses conséquences financières.

    Contre l'avis du gouvernement, le Conseil allait leur donner raison… Mais restait la conformité à la Constitution. L'article 1er excluait notamment de certaines aides les étrangers ne bénéficiant pas «d'une durée minimale de résidence stable et régulière en France», chose possible selon le juge tant que cette durée ne prive pas «de garanties légales» les exigences résultant selon lui du préambule de 1946. Or la durée retenue - au moins cinq ans -, leur aurait porté «une atteinte disproportionnée», et avec l'article 1er, c'est toute la proposition qui disparaît.

    Soyons clairs : en confrontant les termes des propositions à son interprétation de la Constitution, le Conseil constitutionnel est aujourd'hui à même d'empêcher la mise en place d'un RIP sur quasiment tous les sujets. Pour prendre le cas d'espèce, si une durée de résidence de cinq ans était une «atteinte disproportionnée», quelle aurait été la bonne ? Nul ne le sait, à part les neuf Sages - pas plus ici que pour d'autres de leurs jurisprudences où se manifeste toute leur subjectivité.

    Conflit d'interprétation contre interprétation donc : a priori, et quoi qu'en disent leurs opposants, les auteurs de la proposition n'avaient pas l'intention de violer la Constitution. Et puisque conflit d'interprétation il y a, entre les parlementaires et le juge constitutionnel, il faut le faire trancher. Qui, du juge ou des représentants du souverain, doit avoir le dernier mot ? La réponse à cette question posera tôt ou tard celle de la révision constitutionnelle, ce «lit de justice» moderne selon le doyen Georges Vedel.

    Une telle révision-arbitrage peut se faire par le Parlement réuni en Congrès, comme en 1993, mais le peuple souverain pourrait de manière tout aussi légitime trancher le débat si on le laissait s'exprimer. En ce sens, nous avons fait avec Frédéric Rouvillois un certain nombre de propositions pour «redonner le pouvoir au peuple», en ouvrant par exemple le champ référendaire - on voit mal au nom de quoi on interdit de soumettre au peuple souverain quelque texte que ce soit - ou en se demandant si l'appréciation du Conseil ne pourrait pas prendre la forme d'un avis plutôt que d'une décision.

    Mais que le juge constitutionnel puisse continuer d'interdire, sur une base aussi floue, que des propositions référendaires puissent être soumises au peuple souverain, et ce quand il écarte en même temps, et de la même manière, les textes parlementaires sur le même sujet, bloque de fait toute possibilité de réforme sur des sujets qui semblent pourtant aux Français bien plus «existentiels» que d'autres. Notre démocratie n'y survivrait pas longtemps. La question n'est plus de savoir s'il faut réviser la Constitution, mais quand.

    Christophe Boutin (Figaro Vox, 12 avril 2024)

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  • Comment redonner le pouvoir au peuple ?...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie, en partenariat avec la Fondation du Pont-Neuf, viennent de publier un nouvel essai de Christophe Boutin et de Frédéric Rouvillois intitulé Le référendum ou comment redonner le pouvoir au peuple.

    Christophe Boutin est docteur en sciences politiques et professeur de droit public à l’université de Caen ; Frédéric Rouvillois est professeur de droit public à l’université Paris-Descartes et délégué général de la Fondation du Pont-Neuf. En 2000, ils ont rédigé ensemble un essai prophétique et salué par la presse, Quinquennat ou septennat (Flammarion), sur le raccourcissement du mandat présidentiel. Ils ont récidivé en 2022 avec Les parrainages ou comment les peuples se donnent des maîtres (La Nouvelle Librairie, 2022) et La proportionnelle ou comment rendre la parole au peuple (La Nouvelle Librairie, 2022).

     

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    " Un pouvoir élu peut-il imposer son choix à une majorité de citoyens hostiles ? Sommes-nous des « souverains captifs » ? Ces questions se posent alors que se creuse le fossé entre le peuple et ses dirigeants. Depuis des années, de la crise des Gilets jaunes à l’opposition à la réforme des retraites, les Français sentent qu’on ne les écoute plus et cherchent dans la rue les moyens de se faire entendre. Pour sortir de ces crises à répétition, le référendum apparaît comme une solution d’arbitrage. Sauf à récuser le principe même de la démocratie, la souveraineté du peuple, il faut rendre la parole à ce dernier. Face à cette urgence, Frédéric Rouvillois et Christophe Boutin en reviennent aux principes même de la Ve République pour rappeler ce qu’a été et dire ce que devrait être le référendum. "

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  • Le conservatisme a-t-il encore un avenir ?...

    Dans ce nouveau numéro de l'émission de TV Libertés, « Les idées à l’endroit », Rémi Soulié, pour évoquer la question du conservatisme, reçoit Paul-Marie Coûteaux, haut fonctionnaire, essayiste, directeur de la rédaction de la revue Le Nouveau Conservateur, Bérénice Levet, philosophe, auteur notamment du Crépuscule des idoles progressistes (Stock, 2017), et Frédéric Rouvillois, professeur de droit public à l’Université Paris-Descartes, co-directeur, avec Olivier Dard et Christophe Boutin, du Dictionnaire du conservatisme (Cerf, 2017).

     

                                                

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  • Comment rendre la parole au peuple ?...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie, en partenariat avec la Fondation du Pont-Neuf, viennent de publier un nouvel essai de Christophe Boutin et de Frédéric Rouvillois intitulé La proportionnelle ou comment rendre la parole au peuple.

    Christophe Boutin est docteur en sciences politiques et professeur de droit public à l’université de Caen ; Frédéric Rouvillois est professeur de droit public à l’université Paris-Descartes et délégué général de la Fondation du Pont-Neuf. En 2000, ils ont rédigé ensemble un essai prophétique et salué par la presse, Quinquennat ou septennat (Flammarion), sur le raccourcissement du mandat présidentiel. Ils ont récidivé au début de cette année avec Les parrainages ou comment les peuples se donnent des maîtres (La Nouvelle Librairie, 2022).

     

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    " L’idée que les citoyens puissent être représentés au Parlement de façon proportionnée, c’est-à-dire juste, exacte, conforme à la réalité, semble tomber sous le sens. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, De Gaulle lui-même déclarait voir dans le scrutin à la proportionnelle le seul suffrage « honnête », le seul où le résultat – en sièges – correspond à ce que pensent et à ce que veulent les électeurs. Mais les a priori qui s’attachent à ce mode de scrutin sont multiples et tenaces. Nombreux sont encore les partisans du scrutin majoritaire, ceux qui demeurent inébranlablement attachés au préjugé selon lequel la proportionnelle, en multipliant les partis et en divisant le monde politique, rendrait l’État ingouvernable, alors que, de toute évidence, tel n’est plus le cas sous la Ve République. De nos jours, même intégrale, la proportionnelle ne présente plus aucun risque sérieux, tout en étant le meilleur moyen de rendre la parole au peuple. Plus que jamais, comme le disait déjà Jaurès au début du XXe siècle, elle est devenue « la seule issue ». "

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  • Le progressisme : mode d'emploi...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'émission Passé présent de TV Libertés, diffusée le 31 mai 2022 et présentée par Philippe Conrad, qui recevait Olivier Dard pour évoquer le Dictionnaire du progressisme, dont il a dirigé la publication avec Christophe Boutin et Frédéric Rouvillois.

     

                                               

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  • Le “front républicain” : seulement contre la droite...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christophe Boutin cueilli sur Figaro Vox et consacré au front républicain, arme du système contre la droite. Professeur de droit constitutionnel, Christophe Boutin est notamment l'auteur d'un essai intitulé Politique et tradition (Kimé, 1992), consacré au penseur italien Julius Evola. Il a également co-dirigé la publication du Dictionnaire du conservatisme (Cerf, 2017), du Dictionnaire des populismes (Cerf, 2019) et du Dictionnaire du progressisme (Cerf, 2022).

     

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    Christophe Boutin: «Pourquoi le “front républicain” ne s'applique qu'à la droite»

    Un politique peut aujourd'hui se réclamer du trotskisme le plus échevelé et obtenir sans coup férir le nombre de parrainages nécessaires pour être candidat à l'élection présidentielle, quand bien même son courant ne représente-t-il jamais, élection après élection, que moins de 1 % des suffrages exprimés.

    Nul journaliste, quand Fabien Roussel tonne contre l'invasion russe en Ukraine, ne lui rappelle ce 11 janvier 1980 où, en direct de Moscou, le premier secrétaire du PCF, Georges Marchais, justifiait l'invasion de l'Afghanistan par des troupes soviétiques uniquement soucieuses de libérer les populations locales de féodaux moyenâgeux pratiquant le «droit de cuissage».

    Certains le regrettent. On nous permettra pourtant de penser que l'on doit au contraire s'en féliciter, en considérant que le pluralisme, nécessaire dans une démocratie, traduit finalement plus sa vitalité qu'il n'augmente ses faiblesses, et que les erreurs des uns n'ont pas à entacher les choix des autres.

    Dans le même temps pourtant, lorsque des politiques se voient attribuer malgré eux un label «d'extrême droite» qu'aujourd'hui quasiment tous les spécialistes universitaires du sujet remettent en question, considérant qu'il ne concerne guère qu'une infime minorité et nullement une force politique de l'ampleur de celle qui a amené Marine Le Pen pour la seconde fois au second tour de l'élection présidentielle, et Éric Zemmour, qui faisait là sa première apparition, à un score de 7 % au premier tour, tout change.

    Plus question en effet de pluralisme: «Pas de liberté pour les ennemis de la liberté» tonnent nos modernes Saint-Just, se félicitant alors sans pudeur des parrainages refusés, des meetings interdits, de l'ostracisme professionnel frappant militants ou candidats, quand ce n'est pas de leur agression.

    Ce «deux poids, deux mesures» a-t-il toujours existé ? Sous les noms successifs de «front républicain», «pacte républicain», «digue républicaine» jusqu'où remonter ? Au front républicain des origines de la IIIe République, constitué face aux menaces bonapartistes et monarchistes ? À cette discipline républicaine qui allait permettre au Front populaire d'arriver au pouvoir au sortir du 6 février 34 ? Les menaces sont réelles alors: on pouvait se demander en 1880 si le régime nouveau allait durer, et s'inquiéter en 1936 de la montée du fascisme. Mais derrière l'affichage idéologique de ces alliances - qui laissent sur leur gauche, socialistes, utopistes et anarchistes violents - on ne saurait oublier l'élément tactique, la conquête du pouvoir. Sous la IVe République ainsi, les fronts républicains ne visent plus qu'à permettre à une vaste alliance centrale de se le partager, écartant à droite les gaullistes et à gauche les communistes.

    Sous la Ve République, cette stratégie devient initialement un instrument d'hégémonie au profit de la seule gauche, qui fait peser sur toute alliance avec le Front national qui progresse un interdit moral que Jacques Chirac valide politiquement. À partir du milieu des années 80, la droite qui s'auto-baptise dès lors «de gouvernement» parce qu'elle interdit à d'autres d'y participer n'hésite pas aux alliances avec la gauche, sanctionnant ceux de ses membres qui violent le nécessaire «cordon sanitaire». Ce nouveau Front républicain culmine en 2002 avec le happening de l'entre-deux tours d'une élection présidentielle où s'opposent Jean-Marie Le Pen et Jacques Chirac. Et si, à partir de 2011, la théorie du «ni, ni» (ni FN, ni PS) est celle de Nicolas Sarkozy, le Front républicain, qui continue d'ouvrir la voie vers les maroquins par la grâce médiatique, conserve ses adeptes en 2022, même si la flambée de l'abstention et du vote blanc en montre pourtant les limites.

    Un Front donc, une digue, mais contre quoi, et pourquoi à sens unique ? Car s'il est aujourd'hui très difficile de qualifier le programme du Front national de Marine Le Pen «d'extrême droite», quand il n'est qu'une version édulcorée de celui du RPR des années 80, ou de trouver dans son entourage des fascistes assumés et dans ses références historiques un culte des années sombres, on peut en effet être plus réservé à l'encontre de partis de gauche où foisonnent les disciples d'Hugo Chavez, les admirateurs du Che et, où, plus largement, on n'entend guère remettre en cause les principes de l'idéologie la plus meurtrière du XXe siècle. Quant à lutter contre les hordes en chemise brune, nul ne saurait s'y opposer, mais encore faudrait-il qu'elles existent. Or, depuis des dizaines d'années, la violence politique qui se manifeste en France n'est certes pas prioritairement le fait de milices fascistes, mais bien de groupuscules d'extrême gauche.

    Il est vrai que cette violence-là sert le pouvoir en place, ainsi légitimé pour réprimer avec une rare violence les manifestations ou imposer des mesures de contrôle de la population de plus en plus attentatoire aux libertés. Et pour permettre demain le «vote utile» des électeurs de la «droite de gouvernement» sur ses candidats ou ceux qu'il aura adoubés, ce même pouvoir a tout intérêt à agiter le spectre du «grand soir» des «partageux» : les «Versaillais» du «parti de l'ordre» le rallieront à nouveau, comme au moment de la crise des «gilets jaunes».

    Ainsi, contrairement à ce que pensent ceux qui ne veulent y voir que la conséquence du poids d'une intelligentsia médiatique fortement ancrée à gauche, le «deux poids, deux mesures» doit apparaître en ce printemps 2022 pour ce qu'il est: un instrument permettant à un bloc politique central constitué aujourd'hui autour d'Emmanuel Macron, mais le dépassant largement - ce «bloc élitaire» évoqué par Jérôme Sainte-Marie, ce rassemblement des «anywhere» décrit par David Goodhart, ces gagnants de la mondialisation des métropoles dont parle Christophe Guilluy -, de rester au pouvoir.

    N'ignorant pas qu'il partage avec la gauche, y compris la plus radicale, une même vision du monde progressiste, ce pouvoir est trop subtil pour se tromper d'ennemi: la révolte de leurs petits-fils et fils n'amène qu'un sourire nostalgique sur les lèvres des ex-soixante-huitards ou lycéens en lutte contre la «réforme Devaquet» - tous maintenant macronistes -, et les rodomontades du «Premier ministre élu» ne les impressionnent pas plus. En sus de ce poids incapacitant d'une pseudo-morale largement acquise aux idées de gauche qu'il ne faut pas négliger, il n'y a en fait aucun intérêt tactique à dénoncer les alliances qui peuvent se faire entre l'ancienne «gauche de gouvernement» et une gauche plus radicale ou plus sectaire.

    Mais que s'affirme un courant national-populaire disposant d'une doctrine et prêt à remettre en cause la «liquidation», pour reprendre le titre d'un ouvrage de Frédéric Rouvillois sur le macronisme, entreprise depuis maintenant bien des années, voilà qui ne saurait être toléré. «Nous avons changé d'époque», disent les représentants autoproclamés du «cercle de la raison», voulant indiquer par là «qu'il n'y a pas d'autre alternative», comme le clamait Margaret Tatcher, et que la fuite en avant doit continuer pour permettre à la société rêvée d'advenir. Grâce à la gauche, spectre utile quand elle est révolutionnaire et caution morale quand elle se veut intellectuelle, et contre cette droite à laquelle, et ce n'est donc pas un hasard, l'oligarchie réserve ses coups.

    Christophe Boutin (Figaro Vox, 4 mai 2022)

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